La mondialisation des couples pose aux familles des difficultés nouvelles. Mais une fois les barrières culturelles franchies, elle révèle ses richesses.
Il est 9 heures du matin… jour de classe ordinaire à l’école primaire bilingue de Paris. Deux enseignantes en faction à la porte accueillent les enfants, l’une en anglais, l’autre en français. Un papa aux yeux bridés passe très naturellement, pour faire ses dernières recommandations à sa fille, du japonais au français. À côté, un petit et sa maman échangent un gros câlin à l’accent américain, tandis que deux autres mères, bien brunes pour ce jour d’hiver gris, déposent leurs rejetons avant d’entamer une conversation gutturale en français. Le tableau n’est gender-differencescertes pas représentatif de la société française, mais plutôt un concentré d’un phénomène qui va en s’amplifiant. «Nous accueillons environ 20 % d’enfants étrangers. Mais nous avons surtout beaucoup de familles biculturelles», confirme une responsable de l’école.
Près de 40 000 couples «mixtes» se sont formés en 2001, et autant dans les consulats français à l’étranger, indique le bilan annuel de l’Institut national des études démographiques (Ined), publié en décembre dernier. Selon le dernier rapport de l’Insee (portrait social 2003-2004), cela fait désormais deux millions de couples, mariés ou non, qui vivent en France. Leur nombre a doublé en l’espace de vingt ans.
D’où vient ce «pic» statistique ? Des vagues d’immigration successives, qui s’intègrent peu à peu dans la société française ? Du développement des voyages, qui mettent le monde entier à notre portée ? Des échanges universitaires, ou des politiques de mobilité des entreprises internationales, qui donnent aux jeunes l’occasion de vivre l’âge des amours hors des frontières ? De l’anglais obligatoire pour tous ? Tout cela, sans doute, offre aux jeunes Français des «probabilités de rencontre» accrues avec un ou une étranger(e). Et c’est ainsi qu’ils risquent de se retrouver, quelques années plus tard, à Marseille, Montréal ou Barcelone, devant une école primaire, bilingue ou non !
À l’époque des voyages, des études à l’étranger, de l’intégration réussie, les couples binationaux sont légion.
Qu’entend-on par couple mixte ? Pour les démographes, il est formé d’un «étranger né à l’étranger, et vivant en France», même s’il a acquis la nationalité française, marié ou non, avec un ou une Français(e) de souche. «Mais ce n’est pas la binationalité qui est en cause, soutient cette jeune femme d’origine algérienne, dont la famille a la double nationalité de longue date, et mariée à un Français. C’est tout le reste, les différences de culture, de religion, d’éducation !» Il est impossible en effet de chiffrer dans ces «mariages mixtes» la part des unions homogènes, par exemple entre un jeune homme naturalisé français allant épouser sa cousine dans un village marocain. La définition juridique et administrative n’est déjà plus considérée non plus par les sociologues comme significative : «La circulation des populations s’intensifie et les pays européens comptent de plus en plus de couples juridiquement mixtes, explique la sociologue Gabrielle Varro (1). La notion même pourrait sembler historiquement dépassée. Force est de reconnaître qu’il est pratiquement impossible de tracer les limites de la mixité.»
Si la reine Victoria d’Angleterre a été surnommée «la grand-mère de l’Europe», parce qu’elle avait marié ses nombreux enfants dans tous les pays du Vieux Continent, à des rois ou des princesses, c’est qu’elle vérifia la règle que l’homogénéité sociale transcende la nationalité. Tout comme les «people» d’aujourd’hui, qui s’assemblent souvent naturellement en couples homogènes en célébrité, bien qu’étrangers en nationalité (lire encadré ci-contre).
Alors, les couples mixtes fondent-ils des familles comme les autres ? Avec des enfants «mondialisés» et sans histoires, entraînés dans le courant de la grande Histoire ? Danielle Getti tient une consultation de conseil conjugal à la mairie de Puteaux, en banlieue parisienne qui, comme tous les centres urbains, rassemble beaucoup de ces couples d’origines multiples. Elle constate : «Il y a des incompréhensions de départ évidemment, les efforts d’adaptation sont nécessaires entre les cultures. Mais une fois les barrières des différences – certainement plus hautes – franchies, une fois le couple formé, si la relation existe vraiment, on retrouve les mêmes problématiques que dans les couples « normaux » ; les richesses et les difficultés sont les mêmes.»
Pas toujours simples à franchir, pourtant, ces barrières
Pas toujours simples à franchir, pourtant, ces barrières ! Si l’on en croit le forum ouvert sur un site Internet (2) par un couple international, la vie familiale mixte ne va pas de soi. Questions les plus fréquentes de ces mutants des temps modernes : comment faire accepter le couple par l’entourage respectif de l’un et de l’autre quand les traditions et langues diffèrent ? Il y faut manifestement du temps, de la bonne volonté… et la naissance des premiers enfants. Selon quels critères choisir le lieu de résidence commun ? Dans quelle langue communiquer ? Quels efforts doit-on faire pour apprendre celle de l’autre ? Les facteurs économiques jouent leur rôle dans les choix, bien sûr. Et le sociologue (1) de souligner que la mère transmet plus souvent sa propre langue et sa religion à ses enfants que le père, sauf si celui-ci apporte à la famille une culture plus «valorisée». S’il est américain ou allemand par exemple, plutôt que polonais, tunisien ou vietnamien.
Et quand viennent les enfants, comment les nommer ? En choisissant des sonorités qui s’énoncent de la même façon dans toutes les langues (Alice et Tom tiennent la corde) ou en alternant les deux traditions (Pierre pour l’aîné, Léna pour la seconde…) ? Comment parler aux enfants, au propre comme au figuré, et transmettre leur double origine ? D’ailleurs, que faut-il vraiment leur transmettre pour en faire des citoyens du monde ? Les modèles d’intégration diffèrent, de l’affirmation des différences et de leurs richesses à l’intégration pure et simple en une génération (lire l’exemple canadien page suivante). Enfin, comment adapter les traditions culinaires ? Ce dernier sujet donne matière à de très nombreuses contributions…
Autant de couples donc, autant d’alchimies différentes, pas de frontière étanche entre la norme et l’exception. Selon une étude menée d’après le recensement de 1999, les modes de vie des couples mixtes tendent à se rapprocher de ceux des franco-français, quant à l’âge au mariage, au premier enfant, le nombre de ceux-ci, l’activité professionnelle, le taux de divorces…
La conseillère conjugale pointe pourtant une difficulté propre à la différence : «Un Oriental qui épouse une femme française épouse sans doute son émancipation, dans un couple égalitaire à la française. Mais son seul modèle de référence est celui de ses propres parents. Il a choisi sa femme parce qu’elle ne ressemblait pas à sa mère et pourtant, malgré lui, il attend d’elle qu’elle lui ressemble, par réflexe transgénérationnel. Il faut qu’il ait de bonnes raisons pour renoncer à ce modèle, tellement plus valorisant pour l’homme, et en créer un autre.»
L’enjeu est valable pour tous les couples mixtes !
Guillemette DE LA BORIE
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